Les travaux du LabSIC en région  Asie – Pacifique

Coordonnateur : Philippe Bouquillion

L’Asie-Pacifique et l’Océan Indien sont des aires géographiques particulièrement intéressantes pour les recherches en sciences de l’information et de la communication menées au LabSIC.

 

Le développement exceptionnel des industries culturelles et créatives ainsi que des industries de la communication y est le fait, d’une part, de géants régionaux aux ambitions de plus en plus transnationales voire mondiales dont les acteurs chinois dits BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi) mais aussi coréens tel Samsung ou encore indiens, tout spécialement Reliance Industries et sa filiale (dans les télécommunications, les industries culturelles et du numérique), Reliance JIO, sans oublier le rôle historique joué depuis plusieurs décennies par des acteurs japonais dont Sony. D’autre part, ce développement est aussi le fait de petites entreprises ainsi qu’un secteur artisanal souvent très vivace et occupant un rôle économique et social parfois central. On peut y observer des modalités d’agencement entre les produits et leurs acteurs, des modes de financement et de valorisation, mais aussi des modalités de création et de diffusion spécifiques et distincts par de nombreux aspects de ceux existant en Europe ou en Amérique de Nord. Parmi ces spécificités la dimension informelle est centrale. Le rapport aux pouvoirs publics y est également très particulier, parfois très étroit, comme en Chine, ou assez lointain, en Inde par exemple et plus souvent lié à des volontés de censure qu’à des véritables politiques industrielles de la culture et de la communication. Toutefois, enjeux de contrôle de l’espace public par la censure et volontés des pouvoirs publics de peser sur les rapports de force entre acteurs industriels sont liés, les acteurs acceptant la censure bénéficiant de différents avantages. La thématique de la souveraineté numérique tient aussi une place croissante tant dans les relations avec l’ancien « centre » du monde, les Etats-Unis, que face aux nouvelles ambitions chinoises.

 

Ensuite, ces espaces offrent des cas privilégiés pour observer des innovations communicationnelles portées par le numérique. Les Smart Cities, les réseaux sociaux associés à des sites de commerce électronique ou à des jeux vidéo sont autant de dispositifs, de normes et d’usages qui posent question et où les solutions retenues dans ces espaces géographiques sont aussi originales qu’innovantes. De même, les questionnements liés aux plateformes, à l’intelligence artificielle, au traitement algorithmique des données, aux crypto-monnaies, à la blockchain, et à l’insertion dans les infrastructures dont le Cloud y sont particulièrement vifs et renouvèlent les enjeux d’hégémonie.

 

Enfin, du point de vue des espaces publics, de la circulation des discours et des modèles, ces espaces sont riches d’enjeux : l’artisanat est ainsi au cœur de la défense de l’identité nationale indienne, face aux grandes disparités internes de la Fédération indienne, mais aussi face au grand voisin que constitue la Chine. De même, dans ces aires peuvent être observées de nouvelles et exemplaires contributions de l’espace public au réaménagement de la sphère marchande (développement de nouvelles formes de publicité et de valorisation des produits autour des data, construction de nouveaux espaces sociaux et de nouvelles temporalités favorisant de nouvelles formes de consommation, notamment autour des réseaux sociaux, etc.). De même, comme cela vient d’être souligné, les enjeux liés à l’espace public, aux politiques publiques et aux rapports de force industriels et modalités particulières d’industrialisation sont étroitement liés.

 

Les quatre thématiques du LabSIC peuvent donc y être directement concernées.

 

Les recherches menées au LabSIC sur cet espace associent différents partenaires, locaux ou français, disposant de compétences pour apprécier les situations locales tandis que nous maîtrisons au sein du LabSIC les problématiques générales liées aux industries culturelles et créatives, du numérique et de l’espace public.

 

Les premières de ces recherches ont été réalisées entre octobre 2009 et avril 2011, dans le cadre du programme « Très haut débit » (THD) mené autour de la plate-forme d’expérimentation mise en place par le pôle de compétitivité des contenus numériques Cap Digital et la Maison des Sciences de l’Homme Paris nord. Elle a notamment donné lieu à la production d’un benchmarking international des plates-formes expérimentales des services THD. Des enquêtes ont été conduites par le LabSIC en Corée et au Japon sur les réseaux à haut débit, mais aussi sur les stratégies des principaux acteurs des industries de la culture et de la communication ainsi que sur les politiques publiques et réglementaires.

 

Ensuite, un réseau international s’est construit autour des recherches sur le design et l’artisanat en Inde. Il a permis d’articuler les travaux de chercheurs indianistes avec les recherches et approchces développées au sein du LabSIC. Une première étape a résidé en 2011 dans la création avec Catherine Servan-Schreiber et Raphaël Rousseleau du Centre d’étude de l’Inde et de l’Asie du Sud (EHESS – CNRS) ainsi qu’avec Julie Peghini (Cemti, université Paris8) du Réseau-Équipe « Industries culturelles et créatives » (dirigé par Catherine Servan-Schreiber). Les travaux étaient alors essentiellement tournés vers les rapports entre artisanat et design. Cette première phase a notamment donné lieu à la publication d’un ouvrage collectif en 2018, le premier ouvrage académique sur cette thématique en Inde : Artisanat et design en Inde : un dessein indien ? en co-direction Philippe Bouquillion, Julie Peghini et Catherine Servan-Schreiber, Brussels, Editions Peter Lang.Desin. Ce même réseau de chercheurs a été mobilisé pour l’étude des Smart Cities à l’Île Maurice où une part majoritaire de la population est d’origine indienne. Les Smart Cities ont été mises en perspective eu égard aux rapports historiquement complexes et conflictuels des divers groupes de populations de l’ile. Par ailleurs, parmi les activités au cœur de la valorisation des projets de Smart Cities figurent les industries culturelles, éducatives et créatives, lesquelles entretiennent alors une relation complexe de co-valorisation avec le foncier.

 

Enfin, un réseau associant des chercheurs indiens et français a été bâti pour travailler sur les industries culturelles en Inde et sur les enjeux de trans-nationalisation de la culture notamment de l’audiovisuel. Un réseau s’est construit entre des chercheurs LabBIC interveant dans le cadre du Labex ICCA et des chercheurs indiens avec, d’une part, le Centre for Internet and Society (CIS) et, d’autre part, une équipe autour de Vibodh Parthasarathi de la Jamia Millia Islamia University. Là aussi, il s’agit d’articuler les approches des collègues indiens (espace public pour le CIS et économie des médias pour Vibodh Parthasarathi) avec la théorie communicationnelle des industries culturelles. C’est dans cet objectif de construction d’un réseau de recherche franco-indien interdisciplinaire et interinstitutionnel que nous avons co-organisé avec le bureau de l’Unesco à Delhi et ces collègues indiens le symposium « Digital Transition in the Cultural and Creative Industries in India » en février 2018. Pour mener à bien ces activités, le Labex ICCA a embauché en septembre 2017 et jusqu’en août 2021 une chercheuse post-doctorale (docteure en géographie, spécialiste des industries de l’art en Inde), Christine Ithurbide. Celle-ci aujourd’hui chargée de recherche au CNRS (UMR 5319 Passages) et chercheuse associée au LabSIC poursuit activement ses activités avec des chercheurs permanents du LabSIC autour de ces questions.

Parmi les activités menées en 2021 peut être mentionnée l’organisation de deux journées de séminaires internationales à Paris les 28 et 20 juin dont le titre était « Digital Platforms In The Global South: Shapping A Critical Approach ». Ce séminaire co-organisé par le Carism avec Tristan Mattelart (Université Paris2), par l’UMR Passages avec Christine Ithurbide et par le LabSIC avec Philippe Bouquillion a rassemblé plus d’une plus vingtaine de chercheurs des continents asiatiques, américains, africains et européens et a permis d’instaurer une dialogue critique transversal aux différentes aires géographiques sur le déploiement des plateformes numériques.

Publications

BOUQUILLION Ph. (2016) « Les enjeux des industries créatives en Inde », Les enjeux de la communication, http://lesenjeux.u-grenoble3.fr/2016-dossier/03-Bouquillion/index.html

BULLICH V : « Over the top content distribution platforms: new strategies, new production norms », Colloque international « Art and cinema industries in India : Norms, workers and territories », organisé par l’Institut français en Inde, le Centre for Social Sciences and Humanities (New Delhi) et l’Ambassade de France au Laos. The Kiran Nadar Museum of Art, Saket, New Delhi, 6 mai 2016.

BOUQUILLION Ph. (2014) « Francophone perspectives on cultural and creative industries », Conférence franco-chinoise sur les médias et les industries culturelles, Zhejiang University of Media and Communications, Hangzhou, Chine, 24 février.

Région Moyen-Orient et Afrique du Nord

Transformations des espaces médiatiques et culturels nationaux dans la région MENA. Productions, circulations, pratiques, enjeux politiques

Région Asie – Pacifique

Développement des industries culturelles et créatives dans la région Asie-Pacifique. Plateformes, politiques publiques, articulations entre artisanat et industrie, Smart cities

Région Amérique du Sud

Reconfigurations et logiques émergentes des industries culturelles en Amérique du sud. Modes d’action, diversité, indépendance